Les EHPAD, un or gris entre bénéfices et corruption [OPINION]

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Il aura fallu un livre enquête pour soudain faire passer la question des Ehpad au sommet des préoccupations du gouvernement.

Pourtant, tout au long de la pandémie, et plus encore à ses débuts, nul ne s’est soucié du sort de nos aînés, enfermés, abandonnés, isolés du monde... Le livre choc du journaliste Victor Castanet, Les Fossoyeurs, dénonce la maltraitance des personnes âgées dans certains établissements, à commencer par ceux d’un géant en la matière, Orpea.

Un groupe qui relève d’un « système qui passe en partie par la captation de l’argent public », selon l’auteur. Orpea compte 1 156 établissements pour 116 514 lits dans 23 pays, principalement en Europe. Alors que le groupe s’est empressé de limoger son directeur, la ministre Brigitte Bourguignon annonce l’ouverture de deux enquêtes administratives. Dans son livre-enquête, le journaliste indépendant décrit un système où tout est rationné pour optimiser la rentabilité : soins, hygiène, repas…Quel empressement soudain !

Le fait est que, pour certains, le marché des Ehpad constitue surtout un business des plus lucratifs. Avec 600 000 résidents, la moitié des 7 500 Ehpad de France sont dans le secteur public, et trois sur dix dans le privé non lucratif, via des structures associatives. Avec 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, le privé lucratif constitue déjà une véritable machine à cash pour des géants tels que Korian ou Orpea. Mais au-delà du scandale actuel, le sujet intéresse-t-il vraiment les responsables politiques ? Cela n’a clairement pas été une priorité des trois derniers quinquennats.

En revanche, l’attribution des autorisations administratives d’ouverture constitue un nouveau champ pour la corruption des élus. La question du favoritisme dans les privatisations des Ehpad publics se pose également. Par exemple au profit du groupe SOS Seniors, fondé et dirigé par Jean-Marc Borello, intime de l’actuel Président de la République et d’ailleurs actuel n°2 du parti En Marche. En 2019, les Ehpad de la SNCF rejoignaient ainsi le groupe. L’an passé, la CFDT s’était émue de la privatisation d’un Ehpad et d’une résidence par le maire LREM de Nevers, toujours au bénéfice de ce groupe qui se présente comme « la première entreprise sociale en Europe ». Il possède 600 établissements dans la santé, le handicap, les personnes âgées, et est également impliqué dans l’accueil des migrants, pour un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros.

Il faut dire que le business des Ehpad n’en est encore qu’à ses débuts. Comment faire face au défi du grand âge en France, entre perte d’autonomie et vieillissement de la population ? Selon les estimations, il faudrait à l’avenir investir 400 millions d’euros par an et créer 200 000 emplois supplémentaires. Un hébergement en Ehpad coûte en moyenne à peu près 2 000 euros par mois, et jusqu’à 12 000 euros dans un établissement privé haut de gamme. Si l’on compte actuellement 1,5 million de plus de 85 ans en France, ils seront 5 millions dans 30 ans, dont 80% devraient pouvoir demeurer à domicile. Les salaires représentent 50% du budget des Ehpad, pour environ 69 équivalents temps plein pour 100 résidents dans le secteur lucratif, 57 dans le non lucratif. Avec des salaires à 1 700 euros bruts en début de carrière, 2 300 euros au bout de vingt ans pour une aide soignante, aucune formation spécifique au grand âge n’est requise. D’ailleurs, 15% du personnel des Ehpad compte moins d’un an d’ancienneté. Une autre explication, au-delà de la recherche constante d’une rentabilité optimale, aux maltraitantes dénoncées par Victor Castanet ?

Judikael Hirel

Source : La Croix

Cet article est publié à partir de La Sélection du Jour.


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